D'après Wikipedia, environ 11% de la population des Philippines travaillent à l'étranger pour pouvoir subvenir aux besoins de leur famille au pays, en particulier les femmes. De fait, j'en avais croisées beaucoup lors de mon séjour au Japon (surtout des prostitués) et j'en croise beaucoup ici. Quelques prostitués aussi, mais surtout énormément d'aide domestique ou de femmes de ménage.

Beaucoup de gens emploient des maids pour s'occuper de leurs enfants: leurs vies consistent à travailler beaucoup pour gagner plein d'argent pour avoir les moyens d'embaucher quelqu'un qui s'occupera de leur progéniture à leur place. C'est un raisonnement intéressant qui conduit à des situations pour le moins étranges. J'ai entendu plusieurs personne se plaindre d'avoir à s'occuper de leurs enfants pendant les vacances, parce qu'ils ne veulent pas emmener la bonne avec eux. Certains l'emmène quand même parce que faut pas déconner. Les conséquences sont assez ironiques: certains enfants apprennent à parler tagalog avant de parler cantonais ou anglais, beaucoup deviennent socialement inadapté. En effet, les maids n'ont certainement pas le droit d'éduquer les enfants (par exemple, en leur disant "non" ou en les réprimandant). Par ailleurs, les parents ne voient que rarement leurs enfants, après le travail, et se contentent probablement de jouer avec eux, histoire qu'ils aient une image positive de leurs parents qu'ils ne voient jamais. Résultat, des enfants de 12 ans incapable de s'essuyer les fesses ou de nouer leurs lacets. Ça explique probablement pourquoi j'ai toujours envie de leur coller une raclée dans le métro (aux enfants).

Intéressant aussi: ça ne concerne pas forcément que les "gros riches", tout le monde emploie plus ou moins au moins une femme de ménage (moi, par exemple. t'entends Marco ?) ; mes anciens voisins qui habitaient dans mon immeuble tout pourri, à 4 dans un appartement tout petit, disposait aussi d'une maid à temps complet pour étendre leur linge et vider leurs poubelles. Certaines familles comptent plus de maids que de membres de la famille. Les appartements décents disposent de chambres/salle de bain cages à lapin et d'une cage d'escalier spécialement pour les bonnes.

Là où ça se corse, c'est que, comme partout, les gens aiment bien les étrangers lorsqu'il s'agit de profiter d'eux, mais faut pas pousser. Ainsi, les domestic helpers ont un statut bien différent du reste du monde. Il y a même une file d'attente spécialement pour elle à la douane et un étage au département de l'immigration. Elles ne peuvent disposer que d'un visa de deux ans (qui peut être renouvellé sur demande de leur employeur), pas de droit à s'installer (right of abode), elles n'ont pas le droit de changer d'employeur et n'ont pas le droit de vivre en dehors de la maison de leur employeur. Ce dernier point a pour conséquence qu'il est difficile pour elle de construire une communauté, puisqu'elles sont toutes éparpillées (et cloitrées) dans différentes maisons, ce pourquoi elles se regroupent dehors le dimanche pour socialiser, ce qui là encore fait grincer les dents. Ajoutons que leur employeur peuvent leur imposer des règles absurdes (par exemple, l'interdiction de s'assoir) histoire d'affirmer leur supériorité (il semblerait qu'il y ait pas mal de cas de jalousie aussi, venant des maîtresses de maison, qui voit dans la domestique une menace pour leur mariage).

Ce n'est pas un sujet qui plait beaucoup ici. J'ai tenté à plusieurs reprise d'en parler avec des locaux, qui ne voyait pas où était le problème (une de ces conversations avait commencé en parlant de l'Inde et du Japon, ou tout le monde s'accordait à dire pourtant que les castes, c'était pas cool -- notons qu'au Japon, personne n'avait été trop enclin à en parler non plus, pourtant le phénomène existe).

Dans un prochain billet, j'essaierai de comprendre pourquoi les Népalais font tous parti des triades ou pourquoi les Anglaises ont l'air aussi vulgaire (c'est de bonne guerre, les Anglais passent leur temps à trasher les Français).